• La Plume de satan

     

     

    La plume de Satan

     

     

    La plume, seul débris qui restât des deux ailes 
    De l'archange englouti dans les nuits éternelles, 
    Était toujours au bord du gouffre ténébreux. 
    Les morts laissent,ainsi quelquefois derrière eux 
    Quelque chose d'eux-même au seuil de la nuit triste,
    Sorte de lueur vague et sombre, qui persiste.

    Cette plume avait-elle une âme ? qui le sait ? 
    Elle avait un aspect étrange ; elle gisait 
    Et rayonnait ; c'était de la clarté tombée.

    Les anges la venaient voir à la dérobée.
    Elle leur rappelait le grand Porte-Flambeau ;
    Ils l'admiraient, pensant à cet être si beau
    Plus hideux maintenant que l'hydre et le crotale ;
    Ils songeaient à Satan dont la blancheur fatale,
    D'abord ravissement, puis terreur du ciel bleu,
    Fut monstrueuse au point de s'égaler à Dieu.
    Cette plume faisait revivre l'envergure
    De l'Ange, colossale et hautaine figure ;
    Elle couvrait d'éclairs splendides le rocher ;
    Parfois les séraphins, effarés d'approcher
    De ces bas-fonds où l'âme en dragon se transforme,
    Reculaient, aveuglés par sa lumière énorme ;
    Une flamme semblait flotter dans son duvet ;
    On sentait, à la voir frissonner, qu'elle avait
    Fait partie autrefois d'une aile révoltée ;
    Le jour, la nuit, la foi tendre, l'audace athée,
    La curiosité des gouffres, les essors
    Démesurés, bravant les hasards et les sorts,
    L'onde et l'air, la sagesse auguste, la démence,
    Palpitaient vaguement dans cette plume immense ; 
    Mais dans son ineffable et sourd frémissement,
    Au souffle de l'abîme, au vent du firmament,
    On sentait plus d'amour encor que de tempête.

    Et sans cesse, tandis que sur l'éternel faîte 
    Celui qui songe à tous pensait dans sa bonté, 
    La plume du plus grand des anges, rejeté 
    Hors de la conscience et hors de l'harmonie,
    Frissonnait, près du puits de la chute infinie, 
    Entre l'abîme plein de noirceur et les cieux.

    Tout à coup un rayon de l'oeil prodigieux 
    Qui fit le monde avec du jour, tomba sur elle.
    Sous ce rayon, lueur douce et surnaturelle, 
    La plume tressaillit, brilla, vibra, grandit, 
    Prit une forme et fut vivante, et l'on eût dit 
    Un éblouissement qui devient une femme. 
    Avec le glissement mystérieux d'une âme, 
    Elle se souleva debout, et, se dressant, 
    Éclaira l'infini d'un sourire innocent.
    Et les anges tremblants d'amour la regardèrent. 
    Les chérubins jumeaux qui l'un à l'autre adhèrent, 
    Les groupes constellés du matin et du soir, 
    Les Vertus, les Esprits, se penchèrent pour voir
    Cette soeur de l'enfer et du paradis naître. 
    Jamais le ciel sacré n'avait contemplé d'être 
    Plus sublime au milieu des souffles et des voix. 
    En la voyant si fière et si pure à la fois, 
    La pensée hésitait entre l'aigle et la vierge; 
    Sa face, défiant le gouffre qui submerge, 
    Mêlant l'embrasement et le rayonnement, 
    Flamboyait, et c'était, sous, un sourcil charmant, 
    Le regard de la foudre avec l'oeil de l'aurore. 
    L'archange du soleil, qu'un feu céleste dore,
    Dit : - De quel nom faut-il nommer cet ange, ô Dieu ?

    Alors, dans l'absolu que l'Être a pour milieu,
    On entendit sortir des profondeurs du Verbe 
    Ce mot qui, sur le front du jeune ange superbe 
    Encor vague et flottant dans la vaste clarté, 
    Fit tout à coup éclore un astre : - Liberté !

     

     

     

    Victor HUGO   (1802-1885)

     

     

     

    (source http://poesie.webnet.fr)

     

     

     

     

    « VAN CANTOAdieux à la poésie »

  • Commentaires

    1
    Lundi 7 Octobre 2013 à 16:56

    Révérence ma chère Sandrine,

    Merci pour les commentaires que tu as laissé sur mes blogs, ravie que mon blog sur le chant te plaise.

    Beau poème de Victor Hugo, un grand monsieur que j'admire moi aussi.Contente que tu ais posté des nouveaux articles, ça m'a manqué !

    Je vais bien et Fernand aussi.Chez nous le temps est frais et gris, c'est morose mais c'est de saison, il faut faire avec pas le choix...

    Je n'ai pas encore eu le temps de contacter des profs de chant particuliers, c'est fou comme ça passe vite ! Je verrais dans les jours à venir.Le mois dernier j'étais découragée à cause du refus du conservatoire (tout ça parce que je dépasse de 1 an l'âge limite pff !) mais à présent je suis à nouveau motivée ! En attendant je continue de chanter chez moi devant les vidéos de YouTube (avant je m'échauffe la voix pendant 30 minutes).Chanter est bon pour le souffle et l'endurance, et pour la santé aussi.

    Je te souhaite de passer une agréable semaine, prends bien soin de toi aussi chère amie.Gros bisous de nous deux.

    Florence 

     

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